La bonne planque
Elle se tenait a l'écart, dans les ombres près de la ville. Elle regardait le panneau de celle-ci en se passant la même réflexion en boucle, chaque fois que le vent le faisait légèrement bouger...
"...
Bidonville grave ... Mais quel abruti a bien pu donner un nom pareil a une ville ?"
Genny se gratta la tête nerveusement et resserra les ganses de son sac avant de prendre une grande inspiration. Tout son barda habituel y était pèle-mêle, un peu de nourriture, des babioles plus ou moins utiles, un vieux plan de chantier trouvé au hasard de sa route et ses carnets. Elle n'avait vu que des éclaireurs entrer depuis un moment, surprenant. Elle regarda a nouveau le panneau trembler sous une nouvelle bourrasque de vent. Elle regarda ensuite les portes, dernière étape avant de tout recommencer, encore. Se présenter, prendre part aux débats, donner son point de vue, calmer les tempéraments différents ... Tout cela était désormais habituel, a force de voyager de ville en ville. Un dernier coup d'oeil autour, et elle avança lentement vers la ville, rabattant sa capuche en passant les portes.
Ils étaient une douzaine déjà en ville, tous éclaireurs, sans exception. C'est alors qu'on lui apprit que d'autres allaient venir, d'autres éclaireurs. Elle n'avait jamais partagé une ville avec autant de ses frères et sœurs, jamais. Elle approcha du babillard, discrètement et jeta un œil a la carte des environs. Une lueur d'excitation au fond du regard, elle prit la carte, la roula et alla a sa tente. Son grand cahier quadrillé, quelques pastels de couleurs et la voila lancée. Tracer, Optimiser, rentabiliser, repousser les limites. Telle était sa motivation intrinsèque. Encore et toujours, carburant de cette fébrilité que lui procurait l'outre-monde. Elle passa une partie de la nuit a tracer, effacer, changer de couleur, calculer les kilomètres, calculer les vivres requises pour les équipes. Parfois, quelqu'un passait et lui faisait un brin de causette, la sortant un peu de ses cahiers. Au bout de trois heures intensives, elle voulut se frotter les yeux et oublia ses lunettes ... celles-ci se brisèrent sur son nez, la bande de rustine ayant encore lâchée. Yan qui passait près de sa tente s'arrêta un instant et elles discutèrent un moment. Après avoir réussit a réparer ses lunettes, elle termina la première ébauche des tracés et retourna placer le plan sur le babillard de la ville. Son lit l'appelait depuis plusieurs heures maintenant, elle céda, exténuée.
Du bruit, beaucoup de bruit. Des voix, mais combien étaient-ils?
Le soleil était déjà haut dans le ciel quand elle ouvrit les yeux, réveillée par du bruit, des voix ... de la musique ? Son cœur se mit a battre plus vite. Elle sortit de chez elle et alla rencontrer les nouveaux arrivants, tous éclaireurs, comme on lui avait dit. Elle dissimulait a grand peine sa joie. Zectarien. C'était donc lui le responsable de cette musique. Genny lui adressa un sourire et le remercia du divertissement. Plusieurs discutaient du plan qu'elle avait mit au tableau, se posaient des questions, soulevaient des façons de faire différentes, des trajets alternatifs. Elle nota tout ce qu'elle put dans son cahier, avec le nom de ceux qui en avait parlé. Bahamut, Scrib, Mirran, Kokaine, Akbarr, Bartholo ... elle en oubliait surement dans la foulée. Elle retourna a sa tente, son carnet de notes en main. Plusieurs heures plus tard, elle en ressortit, une pile de feuilles de notes, de plans et autre sous le bras. Elle alla près de la place centrale et prit son courage a deux mains avant d'épingler ses tracés et leurs détails au babillard. Elle se recula et attendit que les gens viennent y jeter un œil, anxieuse de savoir si elle avait bien travaillé, si cela s'avérait utile ou non. Son sourire commençait a s'élargir au fil des minutes, voyant les volontaires prendre certains tracés et les réserver pour la première heure.
Ils étaient désormais 34 en ville, se préparant a aller écumer les dunes, a la recherche de bâtiments. On lui avait expliqué ce qui l'avait apportée ici, ce que cette ville était vouée a être. Un combat, entre 40 des siens et 40 représentants des métiers du désert. Ce fut le déclic en elle, ce qui raviva la flamme sacrée de son métier. Cette envie de leur montrer que cette cape était non seulement un vêtement, mais cela représentait une fusion. Ne faire qu'un avec le désert. Elle s'accroupit et plongea sa main dans le sable, le laissant couler entre ses doigts. C'est la qu'elle le vit. Elle croisa son regard et sut qu'elle allait faire équipe avec lui. Elle lui sourit sans même s'en apercevoir. Il lui répondit dans la seconde. Elle alla vers lui, tenant entre ses mains un plan, le plus risqué de ceux qu'elle avait tracé.
Une grande inspiration.
-
Salut moi c'est Genny. Tu as envie de te dégourdir les jambes avec moi ? Une poignée de main franche, un grand sourire. Fenryl. C'est donc ainsi qu'il se prénommait. Ils partirent tôt, côte a côte, comme parmi tant d'autres. Elle souriait en voyant ses frères et sœurs sortir tour a tour et se confondre dans la nuit noire, éclairée par un seul croissant de lune. Elle vivait, le sable, le vent, le désert. Ils marchèrent plusieurs kilomètres avant de trouver un bâtiment au sud de leur ligne. Leur instinct, ce qui les animait leur dictait d'aller voir, d'aller déterrer ce bâtiment. Quand l'instinct parle plus fort que la raison, qui écouter ?
Une vieille mine effondrée. Rien de très glamour, mais mieux que rien. Après plusieurs kilomètres parcourus, ils décidèrent de rester un moment a fouiller un secteur en particulier, espérant trouver quelconque objet utile. Une fois la journée passée et la nuit déjà bien entamée, Fenryl sortit Genny de ses rêveries et lui fit le point de la situation. Plusieurs bâtiments trouvés en ville, bonne avancée du dévoilement de l'outre-monde. Tout semblait leur sourire. Camper. Aménager une planque, creuser une tombe, essayer de se confondre dans le désert, de passer inaperçu. Elle n'avait jamais aimé faire ça, pourtant, elle en ressentait le besoin viscéral, a chaque fois. Elle s'était blottie contre lui, il l'avait entourée de ses bras forts. Elle pouvait sentir le cœur de Fenryl tambouriner contre sa poitrine, le rythme lent de sa respiration l'apaisait.
Trop ...Elle se réveilla en panique, quelque chose était tout près d'eux. Ça grattait le sable, ça grognait ... Elle leva les yeux sur Fenryl ... il dormait. Si paisiblement ... Elle passa son index sur les lèvres de celui-ci et vint y déposer un tendre baiser. Une larme roula sur sa joue et elle murmura
*Continues .. pour moi ... ne te laisse pas attraper.*Elle sortit de la cache et se mit a courir le cœur prêt a exploser, ses larmes roulaient sur ses joues et elle ne voyait plus rien. Ils avaient marché direct dans son appât, ils la pourchassait désormais. Elle se laissa tomber sur le sable, beaucoup plus loin, laissant une chance a Fenryl de s'en sortir, et attendit qu'ils arrivent a elle. La seule chose qu'elle murmura avant d'être déchirée, lacérée et dévorée vivante c'est
*Je suis désolée....* genny1506