Stupeurs et tremblements
Humm… Mmmmh…Je me retournais sans cesse sur mon lit de camp, mais je devais me rendre à l’évidence, le sommeil m’avait fui. La lumière filtrant par les interstices de mon taudis m’indiquait qu’il était déjà tard : à 11h du matin, tous les explorateurs seraient déjà sortis. Alertée par mes mouvements, Feutifoune m’attendait déjà la tête sur les draps, ses yeux implorant une sortie.
Je n’avais pas envie de me lever, de quitter la chaleur douillette de ma couverture pour retrouver la poussière et les travaux harassants sous le soleil brûlant et les vents battants… Alors que je m’étirais, un bruit sourd me fit sursauter. En regardant au sol, je trouvais le petit manche vibrant. Me souvenant de ma soirée solitaire, je ne pus m’empêcher de sourire. Je tendis mon bras pour ramasser l’objet et le ramener aussitôt sous ma couverture. La pile était faible, mais produisait encore une légère vibration.
Oh, et puis zut, je suis en convalescence, il faut que je me soigne jusqu’au bout si je ne veux plus bondir à chaque bruit !Repenser à la carte ensanglantée portant mon nom me fit frissonner. Mais déjà le petit objet était en place. A présent, ce n’était plus sous la terreur que ma peau frémissait. Petit à petit, la pile rendit l’âme, mais je maintenais le mouvement car je ne voulais pas que ça s’arrête… pas déjà ! Je devais me rendre à l’évidence, l’outil était hors d’usage. Dommage que
Urah n’aie pas été là… Encore à dormir dehors… Renterait-il ce soir ?
A regret, je rangeai l’objet lubrique sous mon oreiller, me promettant de ramener une pile ce soir si aucun mâle ne m’accompagnait. Je me levai et enfilai rapidement ma tenue citoyenne qui commençait à être bien sale. Peut-être pourrais-je la laver ce soir après avoir travaillé…
Brr… Travailler, c'est trop dur !Feutifoune se mit à japper d’impatience devant le battant de la porte. Au moins en voilà une heureuse d’aller dehors. Quand le taudis s’ébranla en refermant la porte, je décidai de consolider mon abri avec quelques planches. Après quelques coups de marteau – aucun sur mes doigts \o/ - j’admirais mon œuvre : elle ne payait pas de mine ma baraque, mais au moins elle ne risquerait plus de s’effondrer pendant l’agitation de la nuit !
Il fallait s’activer, un petit inventaire de la banque me permettrait de mieux faire le point. La banque était en vue quand Feutifoune partit en flèche - malgré ses trois pattes, c’était une vraie furie ! En m’approchant, je reconnus Oubigrou, le cabot de
Runolive. L’animal encore chargé attendait quelqu’un pour le délester, ce que je m’empressais de faire. J’en profitais pour admirer ses trésors : deux doggy bags, un jerrycan, une rustine et un os charnu. J’aurais dû féliciter la brave bête, mais mon attention était fixée sur l’os… je frissonnais de nouveau en me demandant à quel bougre il pouvait avoir appartenu.
C’est Equitus…Je sursautai en entendant une voix dans mon dos que je reconnus comme étant celle de
Luckywoman. Ma mine devait exprimer toute mon incompréhension car elle poursuivit aussitôt :
La dernière nuit de camping a été meurtrière, trois des nôtres sont passés sous les crocs des putrides. Ils n’ont rien laissé hormis quelques rares os.Je n’osais poser la question évidente, craignant de concrétiser mon inquiétude. Là encore, elle continua :
Les tentes d’Equitus, Sandybal et Wellan ont déjà été démontées et brulées. Ce soir, on fera une veillée en leur mémoire.Discrètement, je remerciais le corbeau de ne pas avoir emporté
Urah. Ces trois maîtres bichon, je n’avais pas eu l’occasion de trop les connaître… je ne l’aurai désormais plu… Allais-je attendre qu’ils tombent tous pour regretter de n’en avoir connu aucun, ou allais-je tenter de les approcher plus intimement, en sachant que leur futur trépas me blesserait alors… Au moins, ces larmes ne seraient pas feintes.
Je remerciais
Lucky, prenait un paquet de nouilles et une ration d’eau, et allait aux chantiers. Aujourd’hui, le projet c’était la muraille, le poulailler était déjà fini. Le temps s’écoula sans que je m’en rende compte et quand vint la nuit, les remparts étaient enfin édifiés. De nombreuses personnes étaient venues me donner un coup de main, et nous étions partis ensemble assister au retour des aventuriers. A peine arrivé,
Çakyas se dirigea avec
Bob vers l’architectoire : ils ne s’arrêtaient jamais ceux-là !
Je m’attardais plus longtemps que les autres à la porte, espérant le retour d’un explorateur qui ne se montra pas. Quand
Deb ferma les portes, je me résignais à rejoindre la veillée. Elle se terminait d’ailleurs, et
Çakyas déboula en trombe :
Le potager ! Il n’est pas encore achevé ! Il faut absolument finir les semis ! Qui peut s’en charger ?Tous les habitants détournèrent le regard : chacun était vanné, fourbu par la journée de travail. Moi, je n’avais vraiment pas envie d’aller seule dans ce coin reculé où la muraille se réduisait à un simple grillage. Dans le silence de plomb, Feutifoune trouva bonne l’idée d’aboyer, attirant ainsi tous les regards sur moi. J’abdiquais.
Ok, je m’en charge, mais donnez-moi de la liche !Trop content de ne pas s’en charger, on me trouva rapidement la vodka marinostov qui, si elle manquait de goût, avait le mérite d’être assez forte pour calmer ma peur. En arrivant devant la friche, je faillis pleurer : je n’y arriverais jamais seule : la terre à peine retournée devait encore être travaillée avant de semer. Mais je n’avais pas le choix, je me mis à l’ouvrage sous la lune, en souhaitant qu’
Urah reviendrait le lendemain, vivant, pour goûter les fruits de mon labeur. Cette pensée m’attrista et m’émoustilla en même temps. Mais l’arrivée impromptue de
Mapimapette m’arracha à ma rêverie.
Je ne regrettais pas longtemps son intrusion, grâce à elle, nous avions vite fini. Je n’avais pas envie de dormir seule ce soir, et avec ces quelques grammes d’alcool dans le sang, rien ni personne ne m’empêcherait de trouver des corps accueillants…
Grouf ?
Kyuubi ?
Ginyap ? Ou
Ackod ? Pourquoi pas tous ensemble… Voire plus