Insomnia
Deux jours que nous étions rentrés de notre escapade à travers les dunes.
Deux jours que nous avions retrouvé nos compagnons.
Et pourtant cela fait deux jours que je ne peux plus fermer l’œil.
Malgré son courage, Equitus nous avait quitté brutalement. Il n'avait pas vu les zombies arriver.
Personne n'aurait pu le prévoir.Olive et moi n'avions pas eu le courage de les affronter lorsqu'ils s'en sont pris à lui. Nous étions sans armes, en sous nombre et terrorisés.
Qui l'aurait pu ?Depuis lors nous avons erré sans véritable but, nous avancions à l'aveugle, fouillant le sable à la recherche de plans, ces maudits bouts de papiers au nom desquels est mort notre ami.
Olive ne parlait plus que lorsque, harassé par nos longues journées de marche sous cette chaleur écrasante, l'épuisement avait raison de lui. Il criait plus qu'il ne parlait en réalité, se réveillant terrorisé par l'idée de subir le même sort.
Je ne peux plus fermer l’œil.Le regard vide, mettant machinalement un pied devant l'autre pour continuer d'avancer, on n'aurait su dire qui dirigeait nos pas: nous ou nos fidèles compagnons. Heureusement eux connaissaient le chemin du retour.
Partir de là au plus vite... oublier ce que nous avions vu...Nous pensions retrouver le camp dans le même état que quand nous l'avions quitté. Nous nous trompions.
Pour tout camp, c'était désormais un fort qui se tenait devant nous: une grande muraille renforcée de planches et plaques de fer recouvertes de tâches brunâtres, des canons à son sommet, une fosse faisant le tour du périmètre.
Les déchiqueteurs ne s'en sont pas pris qu'à nous.L'intérieur était encore plus étonnant: il y avait des poules qui gambadaient dans une espèce d'enclos.
Une immense tour au centre s'élevait par delà les remparts.
Les modestes planches sur lesquelles nous avions dormi la première nuit avaient fait place à de magnifiques maisons, certains avaient même eu le luxe de construire une niche pour leur chien.
De l'autre côté de la ville nous avons croisé Lucky qui revenait les bras chargés de fruits et légumes.
Ils ont réussi à en faire pousser si vite ?Une certaine sérénité se dégageait des lieux.
Tous ne nous avaient pas reconnus au premier regard, poussiéreux et les traits tirés, beaucoup nous prirent pour de nouveaux arrivants. C'est grâce à nos bichons, qu'ils avaient déjà vu passer en ville, que nous n'avons pas fini à l'abattoir.
Une fois le malentendu dissipé, Çakyas et Grouf en profitèrent pour nous faire gouter leur vodka maison.
Nous avons passé la soirée à manger des chamallows et à partager nos aventures autour d'un feu.
Enfin nous étions rentrés.Pourtant quelque chose n'allait pas: Wellan et sandy manquaient à l'appel.
Amarion et Red nous expliquèrent qu'ils avaient subi le même sort qu'Equi.
Croisant leur regard , je su tout de suite qu'ils avaient eux aussi vécu cette terrible épreuve. Il n'y avait plus besoin de mots...
Eux aussi savent ce qu'est la terreur, ils savent ce qu'est l'horreur.La soirée fut courte, à la tombée de la nuit tous s'affairèrent aux quatre coins du camp pour apporter quelques modifications à la muraille, vérifier qu'il n'y avait pas de brèches , que la porte était bien fermée et que les armes de défense fonctionnaient correctement.
Khyrra qui était montée au sommet de la tour avec l'agilité d'un chat donna le signal d'alerte.
Ils arrivaient... même ici ! Il n'existe aucun abri.Griffon et Teyndo semblaient être chargés de la surveillance cette nuit. Ils refirent un dernier tour pour vérifier que l'enceinte était parfaitement hermétique, puis chacun retourna chez lui.
Perdu dans la nouvelle organisation des espaces privés, j'errai entre les bâtisses.
Apercevant Ayesha au loin, je la rejoignis espérant qu'elle m'aiderait à retrouver mon sommier. Elle me prit par le bras et m'emmena chez elle sans un mot.
J'ai besoin d'elle, besoin d'être rassuré, je ne pourrai pas dormir.C'est alors que je les entendis... ils étaient tout proches...
D'un bond je me levai et me tint près sur le seuil de la porte, un bâton à la main.
Ayesha ne put contenir un fou rire et me fit signe de revenir me coucher à ses côtés.
Ils sont insouciants, ils ne savent pas encore ce dont sont réellement capables ces créatures.On les entendait frapper contre la muraille, le métal chantait, les canons grondaient, recouvrant leurs grognements.
Malgré le vacarme incessant, la ville s'était endormie.
Et depuis, chaque nuit ils reviennent plus nombreux et plus insistants que la veille.
Et depuis, chaque nuit j'entends les hurlements d'Equi... je revois...ses lambeaux de chair éparpillés... les gueules de ces bêtes pleines... de son sang...
Et je me dis que nous finirons tous comme lui.
Nos défenses ne tiendront pas... nos défenses ne tiendront pas...Deux jours que je suis rentré de cette immensité.
Deux jours que je reste enfermé entre ces murs.
Et pourtant cela fait deux jours que je ne peux plus fermer l’œil...