Dent armée
Incroyablement difficile. Je n'ai pas d'autre mot pour décrire la nuit qui vient de s'écouler. Les brèches colmatées la veille avec toutes sortes d'objets ont été sévèrement endommagées. Heuresement que les congélateurs et autres toiles de tente ont pu décourager les putrides de nous voir et de repartir une heure plus tard.
Comment pourrais-je m'habituer à ces cris inhumains ? Je rencontre de grandes difficultés à fermer l'oeil la nuit. Ou plutôt les deux yeux simultanément et de manière continue. Les images mentales me perturbent, ainsi que ceux des deux habitantes des tentes aux alentours.
Les experts se pressent de bon matin à monter sur les remparts et scruter les environ. Le nombre de créatures fait peur. La tenue de camouflage ne peut cacher la ville entière. La survie n'est clairement pas assurée. Nous ne disposons plus d'armes et de munitions pour leur faire face. Deux semaines ont épuisé nos stocks. Même le super lance-pile que je gardais précieusement sous mon sac de couchage est à plat. Personne ne peut m'aider à trouver de quoi le recharger.
La fin nous guette, mais ce n'est pas pour cela que nous n'iront pas défendre la palissade envers tous maux. Une vingtaine de camarades quadrillent la zone. Même les plus froussards et ceux souffrant vraisemblablement de terreur veulent bien nous accompagner, le fou du village, le vieux sage et moi-même.
Nous n'osons toutefois pas nous éloigner de trop, de peur de se retrouver nez-à-nez face à une horde d'anciens cohabitants du monde civilisé. Sauf une ombre latine. D'après les informations dont je dispose, elle a volé à ses concitoyens les dernières ressources pour aller au loin, toute seule.
Quelle surprise de la voir revenir, portant la seule cantine, censée lui apporter de quoi aménager sa petite maisonnette ! Son comportement à son retour laisse à désirer également. S'adresser à ses compagnons de misère sur un tel ton ? Je n'y penserais jamais. J'éprouve une haine certaine.
Lorsque je jette un coup d'oeil à ce qu'il nous reste dans notre coin protégé, notre petite banque collective, je ne trouve les mots pour m'exprimer. Ni les larmes pour pleurer. Il faut dire que nous sommes tous plus ou moins dans un état proche de la déshydratation terminale. Et pas d'oasis ou de miracle en vue. Le dernier soupir sera sec.
L'heure se fait menaçante, les cris approchants. Les derniers amis montent sur les remparts armés de bâtons ou de fourches. Je ne mourrai pas sans rien faire. Je me battrai. Simili d'arme à la main.
J'entends - nous entendons tous - un cri horrible à proximité du puits. Ma copine et moi-même descendons l'échelle posée à même le mur de manière précipitée. Nous nous précipitons vers l'endroit d'où provenais le bruit. L'ombre solitaire est morte. Sur le sol, dans une marre de sang. Quelqu'un n'a pas dû apprécier son expédition solitaire ou ses agressions verbales.
L'horreur visuelle n'est sûrement qu'un aperçu de ce qui va venir - je le sens.
Ils ne doivent plus être loin.
- "Aux armes !"