Between the Good, and the Dark
-Expliquez-nous.
Je dis.
Il me jauge du regard. Il ne répond pas.
-Qu’est ce que c’est que ce logo ? Pourquoi on est enfermés ?
Je répète.
Le regard se fait vide, il m’échappe. Vide et méprisant.
L’intérieur de la banque est sombre. Un jeune homme se tient face à une chaise. Sur la chaise, un homme. Maigre et rasé, il domine le gamin de toute la froideur de son regard d’adulte. Ses blessures sont réelles. On ne joue plus. - Répondez. S’il vous plait.
Aucune réaction.
Je ne suis pas assez vieux.
Mon autorité est aussi nulle que celle d’une fillette de 13 ans dans une prison pour homme.
Face à un adulte, je fais figure de bouffon.
La rage m’étouffe. Et je maîtrise mes larmes. Je suis Grand.
L’homme ne lâche pas un mot. C’est à peine si on l’entend respirer. Le gosse fait les cent pas, serre les poings, s’arrête, regarde l’homme d’un œil qui se veut impressionnant. Puis abandonne. Son souffle est rapide, et traduit l’état de panique dans lequel cette résistance incompréhensible le plonge depuis maintenant une demi-heure. Coup d’œil. Mépris. Coup d’œil. Mépris. Le même ballet en boucle, déchirant ses nerfs, crachant sur son égo, insultant sa fierté. Vous savez au moins si on va venir nous chercher ? On ne peut pas rester là.
…
Vous êtes dans un camp d’enfants, monsieur. Sans aucun adulte.
…
Il y a ces
choses dehors qui nous attaquent tous les soirs.
…
Certains d’entre nous sont morts.
…
Vous devez nous aider.
…
Répondez.
Ne pas sangloter et surtout rester ferme. L’homme ignore ses questions, peu impressionné. Il doit donc lui montrer. Il doit lui offrir la preuve de sa supériorité sur un plateau d’argent, et la lui faire manger jusqu’à ce qu’il s’étouffe, crachant entre deux bouts de testicules à demi-digérées la réponse aux questions dont dépend la survie des gamins, là, dehors. Le Grand, c’est lui.Je me redresse et le regarde une dernière fois. Il ne semble pas vouloir m’accorder le moindre crédit. C’est à peine s’il ne rit pas, maintenant qu’il a vu les larmes de rages se faufiler à la lisière de mes yeux paniqués.
Geste vif. Je m’empare du tube de cuivre le plus proche et frappe de toutes mes forces sa blessure la plus sale.
Hurlement. Tu n’es pas si fort, finalement, hein. Tu n’es pas si fort et maintenant tu as peur.
J’espère qu’il a peur et j’hésite à frapper à nouveau. C’est qu’il ne parle toujours pas. Il n’a pas compris. De quoi je suis capable. Je refrappe. Il ne crie pas. Il ne desserre pas les dents. La surprise est passée, il fait celui qui n’a pas mal.
Je frappe à nouveau.
…
Je frappe à nouveau.
« Arrête »
Je frappe à nouveau.
« Télévision »
Je frappe à nouveau.
« Expérience »
Je frappe à nouveau.
« Jeu »
Je frappe à nouveau.
« Survie »
Je frappe à nouveau.
« Pitié »
Je frappe et frappe et frappe.
Dark, tombé assis au pied de la chaise, essaye de remettre dans l’ordre les pièces du puzzle qu’il vient de collecter. Son autorité est sauve. Il ne regarde plus l’homme. Et l’homme ne le regarde plus.