Désolation colérique
Les enfants étaient confinés dans cette pièce sordide, preuve écœurante des horreurs perpétrées pour assouvir les plaisirs pervers d'une société voyeuriste dont ils rejetaient toute appartenance. Ils assistaient impuissants à l'inéluctabilité de leur fin prochaine, symbolisée par le martèlement des coups de poings assénés contre la trop fragile porte par laquelle ils venaient de s'engouffrer. En quête d'un refuge salutaire. Ils avaient signé leur épitaphe, ultime témoignage de leur combat pour leur survie, et tous se tenaient prêt à combattre jusqu'à la fin. Si jeunes et déjà résignés quant à leur mort.
Les gonds menaçaient de céder, quelques sanglots à peine perceptibles trahissaient l’émotion des plus jeunes. Les plus grands formaient une sorte de barrage compact. Un bruit de glissière métallique leur parvint alors, dans leur dos.
Soun avait remarqué qu'un des panneaux métalliques dissimulait une petite pièce de réunion percée d'une fenêtre, suffisamment grande pour leur permettre de passer. Elle donnait sur l'extérieur, avec le sol en contre-bas de deux étages. Il allait peut-être y avoir de la casse, mais cela valait mieux que d'attendre patiemment de servir de buffet à volonté. Seulement, cela aurait pris trop de temps pour que la trentaine d'enfants ne s'échappe, les plus grands devant en plus aider les plus petits à sauter et atterrir.
[gb]Lechouan est alors sorti des rangs et est retourné dans la salle des moniteurs. Le visage grave et plus pincé que d'ordinaire, il avait pris sa décision et en fit part à ses compagnons d'infortune : il allait les retenir, en espérant leur laisser assez de temps pour mettre un maximum de distance. Les autres n'eurent que le temps d'être stupéfaits, car déjà l’aîné du village refermait la porte coulissante en métal, plus décorative que résistante. Aussitôt, les plus âgés prirent l'évacuation en main, prêtant le moins d'attention possibles aux bruits venant de la pièce juste à côté.
Une fois tous les survivants dehors, il leur fallu réagir promptement, car déjà des râleurs les avaient rejoints en faisant le tour du bâtiment de la MT-V. La procession « Trompe-la-Mort » reprit sa fuite désespérée vers un horizon inconnu, espérant trouver une planque avant que leurs dernières forces ne les lâchent, eux qui déjà depuis de trop nombreuses heures tâchaient de ne pas trop prêter attention à la fatigue et à la douloureuse lassitude de leur corps.
Leurs pas, devenus lents et pesants, les conduisirent à parcourir une distance incalculable. Ils étaient à bouts, et commençaient à laisser filer le maigre espoir que leur avait léguer
Lechouan. C'est alors que
Cornedours cria afin d'attirer l'attention de ses compagnons. Croyant tout d'abord être victimes d'un mirage, ils restèrent circonspects face à l'étrange spectacle qui se jouait devant eux. Un bastion, perdu au milieu du désert, les portes grandes ouvertes, présentant une muraille d'une épaisseur qui leur faisait miroiter ce qu'ils avaient déjà acquis pour définitivement perdu. L'espoir de la vie sauve ! Malgré la réticence persistante de la plupart, les râles derrière eux les poussèrent à entrer dans la citadelle. Fermer les lourdes portes ne fut pas une mince affaire, mais ils y arrivèrent en s'y mettant tous. Certains, pour galvaniser les autres, leur répétaient qu'il s'agissait là de leur dernière chance. Qu'ils ne pouvaient pas la laisser filer.
A leur grande surprise, les stock de provisions étaient conséquent, et le puits à peine entamé. Il découvrirent également une bibliothèque dont les ouvrages étaient spécialisés en survie en milieux hostiles. Mais très vite, une question se mit à les tarauder : où étaient les habitants de cette forteresse ? Cette situation leur rappelait désagréablement quelque chose, même s'il se refusaient à le dire à haute voix, de peur que n'éclate leur ultime lueur d'espoir dans cette ténébreuse immensité de désillusions. La horde qui était à leurs trousses depuis le fiasco du bâtiment de la MT-V atteignit les remparts durant la nuit, des centaines voire des milliers d'être décharnés réclamant leur dû.
Mais le pire ne vint que le lendemain...
Avec le lever du Soleil, les enfants purent inspecter les environs depuis le haut de la muraille, mais en lieu et place d'une mer de sable, ils virent horrifiés une mer grouillante. Une mer menaçante. Une mer mortelle.
Où se posait leur regard, ils ne voyaient que les milliers de zombies ! De tous les horizons, de toutes les directions, le sable disparaissait pour ne laisser que le terrible spectacle d'une marée d'un nombre incalculable de morts.
Et tous convergeaient vers un lieu unique. Le dernier bastion des enfants...