Un monde meilleur pour toi
Je soulève doucement mes paupières, la lumière intense me brûle les yeux. J'ai très mal dormi.
Toute cette poussière me soulève le coeur. J'ai mal partout, mon dos, mes hanches, mes côtes. Il faut dire que ce "matelas" improvisé n'est pas bien épais.
Allez je me lève! Que c'est dur, j'ai l'impression d'avoir un sac à dos de 6 kilos accroché en permanence sous mon buste. Il règne déjà une chaleur terrible, j'ai les jambes toutes enflées.
Je passe doucement ma main sur le ventre et une petite bosse me répond doucement, comme une petite caresse. Les larmes ne sont pas loin, mais j'ai déjà tant pleuré, je suis maintenant résignée. Ma fille naîtra dans ce monde d'atrocités, je ne pourrai pas la protéger, ni la voir grandir et son père nous a déjà quitté. Il a choisi de ne plus voir ce monde envahi d'horreur, de peine, de terreur, je ne lui en veux pas.
Avec un peu de chance mon bébé n'aura pas le temps de naître ni de connaître la souffrance, la douleur, car pour ça je dois tenir encore un mois. Je ne pense pas que nos défenses résisteront jusque là.
Tout le monde est fatigué, on n'a pas arrêté de creuser le désert ces jours derniers et encore aujourd'hui. On se démène à remplir la banque, elle est pleine à craquer mais pourquoi faire? On ne va même pas se servir de tout j'en suis sûre, le temps nous manque, la peur nous gagne.
On sent une certaine lassitude, un défaut de participation de la part de certains, comme Jikel, aux débats qu'on organise pour gratter quelques jours de survie supplémentaires. Je les comprends, difficile de se motiver dans cette ambiance de fin du monde. On le lui a quand même reproché mais Caps61 l'a défendu vaillamment.
Autre anecdote, ce matin jobe3 est venu me dire qu'il avait rencontré un nouveau résident. Selon lui il s’appellerait Steff, j'ai trouvé ça étrange sur le moment, ce nom me disait quelque chose. J'ai épluché le registre des jours précédents, et j'avais raison cette personne est bien avec nous depuis le début.
J'ai furtivement jeté un coup d’œil dans sa bicoque, ce que je peux en dire c'est que cette personne passe sa vie à dormir. Il y règne une ambiance léthargique, comme si ce lieu était coincé entre deux espaces temps.
Aujourd'hui on va devoir construire beaucoup de défenses car à force de passer notre vie dans le désert on en a un peu oublié que chaque nuit, une armée de malfamés veut nous déguster. Chaque jour ils recrutent dans le désert pour revenir encore plus nombreux... C'est un peu la panique, mais je sais que le moment n'est pas encore venu.
Ma fille, je regrette de t'avoir laissé grandir en moi car je n'ai pour toi nul avenir à te proposer. Ne t'inquiètes pas je ne les laisserai pas nous avoir vivantes.
Je t'aime mon bébé, tu ne liras jamais cet écrit, j'en suis désolée.