Question de survie
Cet endroit pue la mort et la désolation plus encore que l'on ne pourrait l'imaginer. Qui, dix jours auparavant, aurait pensé que nous en serions là ? Il y a les partisans de l'optimisme, ceux qui broient du noir, et au milieu une flopée d'indécis qui balancent entre les deux extrêmes.
Aujourd'hui, ce sont les optimistes qui dominent. L'apparition d'hier a eu cet effet là, il ne reste plus qu'à espérer que cela se prolonge et que ce soit un réel bienfait pour notre ville. Pourtant, à y regarder de plus près ... Les monceaux de débris que nous ramenons ne nous servent à rien. Nous épuisons trop vite ce que nous considérons comme essentiel. Sous peu, nous ne pourrons plus améliorer notre ville pour faire face aux zombies. Et il nous faudra sombrer dans l'anarchie.
Je suis relativement loin de ces considérations, pour l'instant. Nous sommes loin de la ville à la recherche d'un objet, d'un signe, d'un avenir, et l'horizon nous parait bien fermé. Cette expédition est vouée à l'échec, et nous n'en prenons la pleine mesure que maintenant.
Eternity.
Pourquoi l'avons nous écouté ? Difficile à dire. Il n'a fait que suivre la parole de Teia, mais ... Je m'égare, reprenons du début.
Ce matin, alors que le soleil n'était même pas le morne disque clair que l'on aperçoit derrière les nuages, nous préparions une expédition conformément aux exigences de notre prophète disparu. Nous devions absolument entretenir l'espoir de tous ces gens qui n'attendent de nous rien de moins que la réussite.
Pendant que nous préparions nos sacs Siegfried a émis un doute sur notre chance de réussite et sur notre utilité en ville plutôt que dans l'Outre-Monde. Nous aurions pu nous contenter de le molester pour son blasphème et l'offrir en sacrifice, mais au lieu de cela il venait d'implanter le germe du doute dans nos esprits. Les différents guetteurs postés dans les miradors étaient formels : la prochaine attaque risquait de nous emporter. Ne valait-il mieux pas nous enfermer et améliorer ce qui pouvait encore l'être, plutôt que de courir après ... Après on ne sait quoi ?
Pendant plusieurs minutes nous sommes restés là à attendre, à ne pas savoir quelle décision prendre. Puis Eternity est arrivé, l'air illuminé et soi-disant porteur de la sainte parole. Il a dit nous parler au nom de notre prophète et que nous devions ainsi exécuter sa volonté. Il avait l'air si... déterminé et convaincu que nous avons cédé. Et nous l'avons suivi dans la précipitation et le désordre.
Et voilà, nous sommes bien loin de la ville désormais. Nous n'apercevons que la tour de guet, derrière une colline râpée par les vents. Nous sommes trop peu nombreux pour nous tailler un chemin au travers des zombies, et Eternity vient de nous avouer qu'il n'avait pas vraiment été investi par notre prophète. Il a eu un moment d'égarement. Il voulait être notre sauveur, et devenir le sujet d'adoration de la ville. Bien mal lui en a pris.
Je n'ose pas me mêler des débats, Gantzer menace de ne ramener que la tête d'Eternity pour l'installer en haut d'une pique devant la ville. "Ça fera réfléchir les inconscients !", a-t-il dit. Kroustillon et Siegfried le retiennent, préférant une solution une solution qui nous ramène tous en un seul morceau. Je crois que Gantzer est un fanatique. Depuis qu'il a taillé une bûche à l'effigie de Teia et l'a installée dans sa tente, il s'est proclamé porteur de la voix divine.
Deux heures ont passé. Nous avons rebroussé chemin. Tant pis pour ce que nous venions chercher. Les réserves étaient si proches, mais nous ne saurons jamais ce que nous loupions vraiment. Nous avons dû menotter Gantzer, et Kroustillon garde nos couteaux, au cas où.
Cela fait une heure que nous sommes rentrés. Nous avons détaché Gantzer avant de franchir les portes pour ne pas affoler les autres. Je ne sais pas si nous avons bien fait. Il a du soutien parmi nous et plusieurs lui obéissent sans réfléchir.
Les cris ont cessé. Steff n'est plus qu'un bout de viande à l'entrée ouest de la ville. Il n'aura pas fallu longtemps pour que les zombies le fassent taire. Ça n'a pris que quelques minutes à Gantzer et ses illuminés de l'y trainer. Il a décidé qu'un tribut devait être versé aux dieux pour notre survie, et que Steff avait été désigné. Il a joué la mort d'un homme aux osselets. AUX OSSELETS. Il prétend qu'il voit des signes là dedans, je me permets d'en douter.
Il va tous nous y faire passer. A moins que... Killzomb est de plus en plus pâle, elle a l'air infecté. Ce serait malencontreux qu'elle se retrouve dans la tente de Gantzer, seule avec lui. Je vais aller voir Coss, il m'aidera. Mais d'abord, je dois cacher ces mots si je veux pas finir ma soirée dans la cage à viande...