Chute d'une Idole
Registre des Steppes du Roi Corbeau, Jour 14Il semblerait que ce soir, nous devions rendre les armes. Les plus optimistes d'entre nous s'en rendent compte, et depuis ce matin, les disciples du grand pardon ont perdu de leur verve.
J'ai passé ma journée à regarder mes confrères d'infortune errer sans but entre les bâtiments. Il y a trop de zombies dehors, les hordes vont nous emporter. Nous avons beau élever un peu plus haut les défenses chaque soir, il semblerait que nous ayons atteint notre limite. Plus personne n'a d'idée. Les partisans de la cage ont pu se rendre compte que même cette invention diabolique ne nous sauvera pas.
Nous avons envisagé de partir à travers le désert, emportant nos affaires et tout ce que nous pouvions pour aller chercher un refuge ailleurs. Il a fallu déchanter. Les zombies sont là, hagards et décérébrés la journée, mais si vifs lorsque tombe la nuit. Pas question de nous retrouver dehors, comme un pic nic en plein air pour les zombies. Ils sentent notre présence, ça ne fait aucun doute vu la manière dont ils s'amassent aux abords de la ville. Ils nous retrouveraient bien vite, si nous campions.
Si je peux écrire ces lignes, c'est que la situation s'est relativement apaisée. Le sermon que nous a fait Gantzer ce matin était surement celui de trop. Une voix s'est élevée contre lui - il me semble que c'était Schnips - afin de dénoncer la machination orchestrée par Nebuleuse :
"Gantzer n'est qu'un pantin entre ses doigts, se devant de protéger celle qu'il estime au rang de déesse."
Il n'a pas fallu longtemps pour voir se dessiner ses partisans. Kroustillon, Midvari et Somberlord se sont jetés sur Schnips. L'issue était facile à prévoir, ils avaient trouvé leur nouveau sacrifice pour terrifier la ville. Mais les voix et les poings se sont élevés. Individuellement, nous pensions surement être esseulés dans notre façon de penser et de gérer cette ville. Nous nous étions trompés. Coss et Jobe furent les premiers à s'interposer. Ils avaient l'intime conviction que nous y passerions tous, du moins ceux qui n'adulaient pas Nebuleuse.
Ils n'eurent aucun mal à maîtriser Kroustillon. Ce pauvre homme en est réduit à un amas de chairs sanguinolentes et purulentes. Il n'est pas un zombie, mais il est difficile de déterminer ce qu'il est. Un moment de flottement - quelques secondes tout au plus - s'en est suivi. Puis, comme poussée par une force commune, la foule s'est révoltée. Dracolosse assoma Somberlord d'un coup de poing rageur, pendant qu'Immorina, Snapblue et Lorz se jetaient sur Gantzer et le maitrisaient.
Sentant surement la fin de son règne despotique, Nebuleuse battit en retraite, en même temps que Midvari. Nous n'avons pas pu les empêcher de se barricader dans la maison de cette idole profane. Bien sûr maintenant, ils voudraient un procès équitable et que nous pardonnions leurs abus. Ils prétendent qu'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient, mais l'histoire se répète trop souvent. Trop de personnes ici se sont prétendues porteuses de la bonne parole ou investies d'une mission divine, mais ce qui en ressort, c'est juste une quête de pouvoir.
Nous détenons depuis lors trois des fauteurs de trouble. Mais nous n'avons pas voulu nous montrer impitoyables comme eux. Seulement sadiques. Siegfried et Dimhell se sont improvisés tortionnaires pour l'occasion. Pour Kroustillon, il est déjà estropié. Nous l'avons donc forcé à creuser les tombes de nos infortunés camarades, même s'il n'en reste pas grand chose. Après plusieurs fosses, il a le moignon en sang, il n'ira pas bien loin, surtout sous le regard de Dimhell. Les mains de Somberlord ont été plongées dans du métal en fusion. Les débris font très bien l'affaire, et je doute qu'il retrouve jamais un usage correct. Il faudrait déjà qu'il parvienne à casser la gangue de métal qui entoure ce qui reste de ses mains - si elles ne tombent pas d'ici là.
Il fallait faire des exemples. Nous n'ôtons pas la vie des nôtres, il fallait néanmoins réaffirmer un semblant d'autorité et de lois dans cette ville. Gantzer a eu les os des bras et des jambes brisés un à un. Ce sera maintenant la peine pour les fanatiques qui oseront vouloir mettre en place des sacrifices.
Quand à nos deux forcenés, ils sont toujours enfermés. Moom monte la garde devant avec Killzomb. S'ils tentent de s'échapper, ils ont ordre de les arrêter. Comme dit auparavant, interdiction de tuer. Mais l'infection que propage Killzomb serait un mal bien pire pour eux.
Ce sont surement les dernières paroles qui resteront de nous. Sauf si notre pénitence tardive est appréciée à sa juste valeur. La nuit tombe lentement, et nous n'avons rien fait, pas un seul aménagement pour notre ville. Enfin, il y a tout de même eu quelques coups de marteaux, quand je débutais ce texte. C'est surement Sapro et Paradisio, qui clouaient les bouts de viande qui nous restent sur la demeure de Nebuleuse. Nous ne les tuerons pas mais si les zombies entrent, ils s'assureront qu'ils ne sortent pas de leur taudis.
Ceci est un bref résumé de notre quatorzième journée de souffrance. En espérant que ce ne soit pas la dernière.
Les portes vont bientôt céder, mais je me dois de retranscrire ces faits de dernière minute : Gandalf a découvert Eternity, raide comme un bout de bois, une bave épaisse lui sortant de la bouche. Il a été victime d'un empoisonnement à première vue. J'entends le bois qui craque à la grande porte, je dois me cacher. Si vous trouvez ces mots, méfiez vous, quelqu'un vous veut du mal.