Soubresauts pre-mortem
Est-ce un cauchemar ? Je ne sais si je dors ou si je suis éveillé. Tant de bruit, de fracas mais surtout de hurlements d'agonie. Mes confrères et consoeurs disparaissent les uns après les autres, mais pas car ils se camouflent ... Ils meurent. On utilisera les restes des cadavres pour faire un peu plus de défense pour la ville, une maigre consolation. Près de vingt-cinq minutes s'écoulent, un délai interminable pour ceux qui continuent à entendre les cris, les sanglots et le désespoir parmi les grognements des deux milles zombies qui errent en ville.
Soudain le calme et le silence le plus complet, la horde a quitté la ville, épargnant une poignée d'éclaireurs, chanceux de voir le lever du soleil. Je sors de ma tente. on s'affaire déjà à sortir les corps desséchés de certains et les lambeaux de chair des autres. Près d'une douzaine à la morgue, je suis l'un des huit veinards.
Est-ce vraiment de la chance ? Une question à laquelle on a pas le temps de répondre, car la horde n'arrête jamais, elle est toujours plus forte, plus dévastatrice... Je vais en banque et y ramasse ce que j'ai gagné la veille, le manque de temps m'ayant empêché de prendre cela avant l'assaut. Quelques grillages, une vieille cantine de fer, voilà de quoi renforcer mon habitation et faire un peu de place pour y stocker d'autres objets de défense. Quelques heures de labeur pour des renforts instables, voilà sur quoi je dois compter pour survivre.
Les autres font la même chose, voyageant de la banque à leur maison avec des plaques de tôles, des tréteaux ou vieilles portes. J'ai l'impression d'être en plein festival du déménagement. Le genre d'acte qui donne une belle petite note sur la porte en temps normal mais qui, depuis quelques jours, est totalement permis. L'instinct de survie, l'espoir de ne pas mourir. Voilà ce qui m'anime, ce qui nous anime.
Ce bon vieux Scrib ouvre la porte, pour les coriaces qui veulent continuer à gratter le sol pour une poignée de débris. J'en vois trois qui ont encore le moral et l'énergie de le faire, malgré le spectre de la déshydratation qui survole notre Bidonville Grave. Je continue de circuler dans la ville, cherchant une occupation quelconque. Aux chantiers, j'ai aperçu le soldat blanc bricoler des morceaux de ferrailles et des planches pour réussir à recueillir deux maigres rations d'eau. Il se dépêche de prendre la première et je prends l'autre, comblant à peine le feu qui couve dans ma gorge.
La journée est longue, je sais que les rapports d'estimation sont médiocres. Au loin, je perçois un nuage qui approche. Ce n'est pas le miracle d'une pluie salvatrice mais bien les zombies qui traînent la patte ou ce qui leur en reste. Ils seront sur nous à minuit. Précis comme des horloges, ces êtres dénués d'intelligence, peinant à se déplacer, savent avec un synchronisme parfait à quelle heure ils doivent essayer de passer la défense pour trouver un repas dans notre ville.... Un véritable mystère !
Un peu de défense supplémentaire pour la ville, quelques putrides de moins à franchir notre enceinte. La belle Kokaine ferme lentement les portes de la ville, clope à la main. Il n'est que 20h30... Les autres et moi prenons place dans nos abris, espérant voir le lever du soleil une nouvelle fois. La nuit sera encore horrible pour mes oreilles de félin. Parfois, je me demande si je perds une vie quand je me retrouve terrorisé au petit matin, après avoir failli y rester. Heureusement que j'en ai neuf.
Il n'y a que peu d'activité en ville avec le manque d'effectifs. Peu de ressources également depuis que nous avons fait le chantier de la dernière chance, voilà déjà trois jours...
Doucement, je fredonne pour me réconforter :
Voici l'heure d'une nouvelle nuit,
Inconfort dans notre lit,
Vibrations et clapotis,
Espoir, espoir, soit notre survie.
Lamentations,
Exclamations,
Stupéfactions.
Corps dévorés,
Âmes perdues,
Priez pour votre salut,
Une lumière dorée.
Chemin du renouveau,
Hameau des esprits,
Éclaire mon château,
Salut tes enfants chéris.