Complot
Ils ont osé me tirer de ma torpeur. Ils se sont appropriés mes murs, pensant trouver refuge en ces lieux, les inconscients ! Une bande de parasites, se démenant vainement pour se nourrir, bâtir et ne pas mourir.
Les premiers jours je les ai toléré en mon enceinte, la curiosité dominait. Depuis, ils m'ont épuisé. Ma terre est devenue aride, stérile. Ils n'auront pas de seconde chance !
Désormais, chacune de leur respiration, chacun de leur pas dans le sable, est une offense. Je n’accepterai pas que la quiétude de ces lieux soit troublée. Je dois me débarrasser d’eux !
Conscience désincarnée, je suis tout et je ne suis rien. Quand à la nuit tombée, ils creusent leurs tombes, je souffle sur le sable qui les recouvre. Et ces sots, qui prennent ma malveillance pour une malchance, ne réalisent pas qu’ils sont des pantins. Quand au crépuscule, les fouilleurs sont frappés d’amnésie et que dans le désert ils s’oublient, j’en suis aussi à l’origine. Je les aurai tous !
Le cinquième jour de leur occupation parasitaire, je leur ai fait divers présents. J’ai planté les graines de la discorde et en ai admiré les premiers germes. Des combats éclatent entre les différents habitants, citoyen contre citoyen, citoyen contre citoyenne. La galanterie n’a plus cours, ils cèdent à leurs plus bas instincts. Je me régale !
Ces pugilats ne sont pas suffisants. J’ai donc chuchoté jours et nuits à l’oreille de l’un d’entre eux, ou plutôt l’une, si le genre des cafards a une importance. Dans une synchronisation parfaite, elle a sombré dans la folie ce jour-là ! Elle s’est introduite en banque, a jeté son dévolu sur diverses pilules et s’est enfuie avec dans le désert. Elle a parcouru de nombreux kilomètres dans des zones éloignées et inhospitalières. Son comportement anti-citoyen et sa toxicomanie lui vaudront sans doute une mort prochaine. Une de moins, bon débarras !
Une ébauche de plan se met en place, ma stratégie d’annihilation prend forme. Je leur ai concocté une autre surprise. J’ai changé un des leurs en bête. Ils ne s’en doutent pas, ils ne le voient pas, ils sont pas si malins. Leur parasite de camarade semble normal alors qu’il n’en est rien ! Je lui susurre au creux de l’oreille que leurs chairs sont tendres et juteuses. Je lui vante le goût du sang, j'attise ses appétits cannibales. Il a résisté durant les premières heures de sa mutation. Il a pris une mine dégoûtée quand je l’ai abreuvé de mes répugnants murmures. Désormais, il salive à l’idée de dévorer l’un d’entre eux. Il va passer à l’acte, j’y veillerai !
Je dois redoubler de prudence, ils sentent que quelque chose se trame. Les discrets deviennent soudainement bavards, ils sont effrayés, sentant une menace planer au-dessus de leurs capuches. Ma tâche ne sera achevée qu’une fois toute forme de vie éradiquée. Je n’ai pas le droit à l’erreur !
Ils ont osé me tirer de ma torpeur. Mes murs seront leur tombeau, leurs capes seront leurs linceuls. Le silence s’abattra et la nuit regagnera ses droits.
(Bulot)